Page:Yver - La Bergerie.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

leurs racines puissantes ; ils conduisaient au château en quadruple rangée, colonnade géante de troncs. C’étaient des hêtres vieux et énormes, ayant tous fait éclater l’écorce sous leur poussée, et balançant dans l’air la masse mouvante et bruissante de leurs feuilles. Ils étaient la vraie splendeur de l’habitation, ils affirmaient sa vétusté, eux que chaque année, à l’encontre de ce qui se passait au château, le printemps réparait et reconstituait sans altérer leur architecture magnifique. Ils descendaient en pente douce jusqu’à la maison, qui se trouvait ainsi un peu en contre-bas de la grande route de Parisy-la-Forêt.

Un matin, Frédéric s’éveilla dans ce palais enchanté du bonheur. Il y était venu la veille : d’une manière quelconque, dont il ne se souvenait plus. Il respirait des parfums inconnus ; ses draps avaient la souplesse douce d’une mousseline. Le rideau de la fenêtre, en linon brodé, dessinait des feuilles d’acanthe blanche dans le ciel bleu, et dans la tapisserie du mur, il y avait à droite, à gauche, répétés à l’infini, un petit Paul, haut d’une main, abritant une petite Virginie sous son parapluie de feuille. La naïveté de tant de Paul et de tant de Virginie le fit sourire d’aise. Dans un salon lointain, on entendait couler le flot étouffé d’une gamme chromatique, sur un piano adorablement sourd et fêlé, et, dans une salle très proche, le