Page:Yver - La Bergerie.djvu/39

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duo d’une voix jeune, enflée de rire, avec Îa voix timbrée un peu haut de Mlle d’Aubépine. Aussitôt il revit les figures aperçues la veille au soir, à l’arrivée, dans la lueur imprécise d’une lampe de porcelaine à l’huile : un visage pur et rose de timide adolescente, les cheveux tirés à la chinoise sur le front, les couleurs vives, les yeux longs et fuyants ; puis un autre visage dont il lui semblait n’avoir vu que les yeux, des yeux d’enfant, des yeux énormes au regard droit comme un jet de flamme, ardents comme le bouillonnement même de la vie, dans les gemmes brunes des prunelles. C’était la clarté vive des yeux de sept ans ; ces yeux-là en avaient quinze et la conservaient toujours. Frédéric s’était senti regardé comme par un petit animal humain et pensant. Aux gammes sages et monotones qui roulaient là-bas, il revit les yeux fuyants et timides de l’aînée ; au rire qui chantait dans la pièce inférieure, le regard droit de franchise effrontée qui représentait la cadette. La marche sentimentale des petits « Paul et Virginie » descendant par vingtaines du plafond à Ia cimaise, avec un mouvement de jambe qui simulait vraiment la progression, les feuilles d’acanthe fleurissant tout un pan du ciel, l’odeur poétique des draps séchés aux champs, le bercement des gammes, le rire, tout cela l’engourdissait si agréablement qu’il somnolait