Page:Yver - La Bergerie.djvu/42

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Laure y jouait à présent une valse lente où l’on sentait les guirlandes molles que ses mains croisées dessinaient au clavier. Cet air à deux temps, vieillot et mélancolique, vous faisait marcher en cadence, vous berçait. Les sons du meuble étaient faibles et fatigués ; Frédéric éprouva, sans qu’il sût pourquoi, le besoin de tousser quand sa tante lui dit en l’embrassant :

« Tu entends, c’est le piano où ton père apprenait la musique, »

Silencieux, il s’assit près d’elle sur fe canapé de velours rouge frappé, à fût d’acajou, et il regarda. Ce pur style Restauration qui régnait ici l’enchantait. Des guipures blanches, croisées, drapaient les fenêtres ; les fauteuils rouges, cloués d’or, tendaient leurs bras rigides, dans le geste ancien qu’eut le meuble Empire embourgeoisé avec 1830. Des portraits, au cadre ovale, garnissaient la boiserie blanche, tenus au ras du plafond par une double corde tendue qui faisait, sur la muraille si élevée, un angle infiniment aigu. La pendule en bronze doré, monumentale, s’étalait orgueilleusement sur la cheminée, entre deux flambeaux dont le socle était une triple chimère.

« Du temps de mon père, demanda Frédéric rêveusement, cette pendule était là déjà ?

— Oh ! rien n’a changé, mon enfant. »

Et comme sonnaient alors neuf heures du matin, il écouta religieusement ce timbre fin