Page:Yver - La Bergerie.djvu/43

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d’argent, dont le son immuable lui donnait, avec le passé, la plus troublante, la plus intime communion…

« Voici, dit la vieille demoiselle qui devinait ses impressions secrètes, voici le coffre à bois où il se cachait quand on jouait à la cligne. Les bandes de tapisserie qui coupent le velours rouge, c’est moi qui les ai faites. Voici la table à jeu, où, le dimanche soir, nous faisions avec nos parents la partie de nain-jaune ; il y a ici un léger éclat dans l’acajou ; c’est l’endroit où, de contentement, quand il gagnait, il donnait des coups de son petit soulier. Regarde ce joli pastel, au-dessus de toi ; il représente ton père à treize ans. Que tu lui ressembles donc ! Seuls tes yeux… tes yeux ne sont pas de lui. »

Elle se tut une minute ; Frédéric la sentit en allée vers le souvenir de sa mère, celle dont il tenait sans doute ses yeux, celle qui avait fait de lui, dans l’arbre héraldique, un rameau à part, l’étrangère dont la Bergerie n’avait pas voulu. Et il essaya de se raidir, par rancune pour elle, contre l’enveloppement insidieux des choses familiales qui le reprenaient par mille forces secrètes, par mille fibres.

Mlle d’Aubépine reprit :

« Ce petit paysage au fusain… ton père n’avait pas quinze ans quand il le fit ; vois quel talent déjà. Cette bonbonnière, on l’emplissait chaque jeudi de croquignoles, et il était si friand,