Page:Yver - La Bergerie.djvu/47

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vent, avaient dans leurs branches presque un geste pour le retenir.

Après, sa tante le conduisit aux prairies. Opulentes, veloutées d’une herbe grasse, elles s’étalaient en nappes unies jusqu’aux brumes matinales de l’horizon. Des pommiers, ronds et petits, émergeaient irrégulièrement, et de jeunes génisses éparses ruminaient, le ventre dans l’herbe. Curieusement, Frédéric s’approcha de l’une d’elles et la flatta ; il s’étonnait devant cette masse vivante, ce monument de chair qu’un souffle fort soulevait. De sourdes choses ataviques naissaient en lui, l’amour de la terre venu des aïeux campagnards, l’orgueil de la fécondité des bêtes qui lui faisait voir dans les flancs de cette jeune femelle puissante la source de toute richesse ; il ébauchait de vagues calculs de reproduction possible ; il jouissait à voir, dans cette splendeur d’été, les troncs noueux et trapus des pommiers, plongeant en terre pour y pomper l’essence mystérieuse des cidres qui donnent aux hommes la force. Il rêvait en voyant sourdre du sol l’incessante montée végétale — ici les pâturages, là-bas, à droite, l’autre plaine plus mouvante, les eaux vertes et miroitantes des blés frissonnants. La poésie première de tout, l’âme agricole, reprenait lentement possession de cet enfant des gentilshommes fermiers qu’avaient été les marquis d’Aubépine. C’était comme une para-