Page:Yver - La Bergerie.djvu/49

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présence l’obligerait à quelque cérémonie et n’a pu supporter cette contrainte ; aussi m’a-t-elle demandé d’aller déjeuner à la ferme. Elle y aura gagné de traire les vaches au lieu d’écrire son devoir de style ; belle aubaine pour cette paresseuse. »

Mlle d’Aubépine faisait avec une vraie tristesse cet aveu, Frédéric le remarqua et, par déférence, voulut s’intéresser aux chagrins intimes dont la demoiselle Camille affligeait la bonne tante.

« Elle n’aime pas l’étude, cette enfant ?

— Si elle ne l’aime pas ? c’est-à-dire qu’elle en a l’horreur, l’abomination, comme le feu de l’eau, comme le jour de la nuit. Elle ne sait rien. Si elle écrit en français, c’est un don naturel qu’elle ne méritait certes pas, et quand il s’agit de l’astreindre à un devoir, cela devient épique. Camille, c’est une fermière. »

Frédéric, entre autres idées fort arrêtées, avait eu jusqu’ici celle que les femmes doivent être les rivales intellectuelles de l’homme. L’intérêt qu’il portait à la petite fille inconnue qui rêvait d’aller se promener seule avec lui dans le parc, le soir, le fit s’inquiéter devant cette mentalité inculte comme si on lui eût dit : « Elle est menacée d’être infirme. » Il rêva de la sermonner, de la convaincre, de la lancer à force d’arguments, comme malgré elle, sur cette pente intellectuelle où elles roulent pars