Aller au contenu

Page:Yver - La Bergerie.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puis ce matin, conspirait pour lui faire une âme nouvelle. En entrant dans cette maison il s’était senti entrer dans son avenir ; c’était le cercle où s’affermirait sa vie, où se préciserait sa destinée ; c’était le définitif et l’irrévocable. Il se marierait là, non point dans une grande passion qu’il ne connaîtrait plus, mais à force de réflexion, avec cette jeune fille même, peut-être, qu’il considérait sans le moindre trouble, mais qui lui jouerait la valse lente. Peut-être avec l’autre, « la gamine », qui deviendrait femme et qu’il pourrait aimer. Il disait aux choses, aux murailles lointaines lambrissées haut, avec des cartouches sculptées de venaison : « Je suis un d’Aubépine et je reviens. » Et il pensait à ce soir où ils seraient tous les quatre sous la lampe, à causer, ainsi qu’il avait vu des gens le faire, un certain autre soir de mars, à Rouen.

Dès le dessert fini, sa serviette pliée, Laure lissa de ses deux mains ses cheveux tirés sur les tempes, et quitta la table silencieusement. Alors, se voyant seule avec lui, la vieille demoiselle dit à Frédéric :

« Tu es triste, mon petit ; t’ennuies-tu ici ?

— Je ne suis pas triste, tante, et je m’amuse beaucoup ; mais je médite. Vous disiez tantôt que la petite Camille est une fermière ; moi je me sens devenir fermier. J’ai fait un rêve : vivre aux champs. C’est une vocation irrésis-