Page:Yver - La Bergerie.djvu/57

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un éclat de rire, qu’il créa en lui comme une colère inconsciente contre l’innocente Camille. Il ne l’aima plus.

« D’abord, elle n’est pas intéressante, pensait-il, quinze ans ? douze ans plutôt, et l’on ne voit pas seulement comment modeler, dans cette face joufflue, les finesses d’un visage de femme. Ça ne fera jamais qu’une grosse poupée ignorante, rieuse, béate ; une compagne, une compagne délicate, sensible et forte, jamais ! Qu’on les laisse donc, elle et le frère du curé, mordre ensemble au même gâteau, fût-ce au gâteau amer de la vie. Ces deux campagnards s’accoupleront merveilleusement, et moi je m’en fiche, moi, l’invité ! »

Il avait préparé à son intention des discours adroits et touchants qui devaient lui inspirer, pour le développement de son intelligence, une soudaine ardeur. Il trouva tout à coup plus simple de se taire et de la laisser au nourrissage des petits veaux, et, sans prendre plus de souci d’elle, il contait à sa tante des histoires de pions qui s’étaient passées à « Racine ».

On resta longtemps à table. Mlle d’Aubépine faisait servir, du fond des armoires, de savoureuses décoctions de cassis, de café, adoucies d’un sirop onctueux et filant, œuvres de ses sagacités culinaires. Les prunes confites. les cerises à l’eau-de-vie vinrent ensuite, lentement cuites par les années dans le noir du