Page:Yver - La Bergerie.djvu/63

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Le temps des manœuvres excita particulièrement ce sentiment. Il respira les odeurs grisantes de la campagne qui remuaient en lui comme des réminiscences ataviques. Il y eut de superbes, de sereines journées d’automne qui agirent plus puissamment encore, plus sainement que ne l’avait fait la nuit du parc à Parisy, et de toutes ses forces il désir a cette jouissance mêlée d’action et de poésie, qui est la vie des maîtres de la terre. Un soir surtout, une de ces fins de journées d’août belle et dorée, ils avaient fait halte sur la route ; c’était au long de ce ruban blanc déroulé dans le vert des coteaux, un fourmillement terne de capotes bleues poudreuses, de képis fatigués ; des faisceaux de fusils, au canon frappé de soleil, étincelaient ; la masse, mouvante d’abord, s’abattit à terre comme un troupeau las ; assis ou couchés sur les bordures d’herbe, les hommes ne bougeaient plus et se taisaient ; mais Frédéric resta debout.

Au-dessus du chemin, montait une colline grasse, rebondie, garnie d’une moisson mûre, et dedans, assiégeant la vigueur des épis et des tiges, deux chevaux puissants, deux boulonnais gris aux énormes croupes rondes, noyés à mi-jambes dans la moisson froissée, traînaient, en circonvolutions savantes, une sorte de grande araignée de fer qui coupait le blé, sournoisement, à ras du sol, par une lame latérale.