Page:Yver - La Bergerie.djvu/67

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teux, longs et pleins d’amour, créature de charme affolant dont la puissance morbide avait épouvanté les campagnards de la Bergerie ; elle semblait lui dire : « N’y retourne pas, ils n’ont pas voulu de moi, je suis ta mère malgré tout ; tu porteras toujours cette tare d’avoir été l’enfant de la Beauté, de la Folie et de l’Amour. »

Et il se vit soudain à gages dans ce domaine familial dont il ne serait pas le possesseur, mais l’intendant. Par le fait judiciaire du legs, Mlle d’Aubépine avait hérité du domaine entier ; elle en pouvait disposer à sa guise ; c’était de sa bonté que Frédéric avait la méfiance ; hésiterait-elle à restituer au dernier Aubépine ce bien qui lui revenait par droit moral, ce bien surtout qu’il aurait, de ses mains et pour elle, cultivé et amélioré ! Il en doutait à peine. Alors il revoyait les deux filleules, orphelines sans fortune, Camille et Laure, que la bonne tante avait prises jadis, dans l’intention de leur transmettre l’héritage.

« La question repose sur un cheveu, pensait Frédéric, mais si je la tranche, je commets la plus subtile et la plus inavouable indélicatesse, en allant mendier cette Bergerie qui ne doit plus m’appartenir, en en privant ces deux petites filles pauvres que le sort y a mises à ma place. »

Et, sans se laisser tenter par la lettre de sa