Page:Yver - La Bergerie.djvu/76

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maîtres dont l’attraction glorieuse le prenait déjà, l’engrenait peu à peu comme un satellite dans l’orbite des grands astres. Ce fut un éblouissement, une soif de gloriole, l’idée d’un rejaillissement de célébrité sur lui, quelque chose d’obscurément semblable à ce qui se passait jadis dans l’être de la danseuse, à la vue d’une salle frémissante, quand elle entrait dans le bain de lumière de la scène, et que des milliers d’yeux dévoraient sa beauté.

Mlle d’Aubépine avait beaucoup admiré ce colloque et l’aisance soudaine de son neveu en face du « grand homme ». Il lui semblait méconnaissable. Elle le lui dit en sortant.

« Ah ! tante ! s’écria-t-il, c’est que là j’ai entrevu la plus séduisante existence, la plus conforme à mes goûts, la seule. Je suis heureux et vous êtes bonne de m’avoir déniché le bonheur, à force de tant de peines. »

Il était exactement sincère. De la Bergerie, du sua si bona norint, il n’était plus question. Il y avait une ambiguité dans l’âme de Frédéric comme il y en avait une dans sa naissance. Les deux races dont il était issu, celle du labeur tranquille et celle du plaisir passionné, le tiraillaient toujours en sens contraire ; elles l’attiraient alternativement par de différents désirs, vers des vies opposées. Là devait être le secret de son existence intérieure, celui de son histoire.