Page:Yver - La Bergerie.djvu/81

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Pia. C’était très italien, très renaissance, très florentin. L’auteur, pour écrire ces vingt-huit pages, s’était bourré dix mois de couleur locale. Il était allé là-bas préparer un roman ; il avait tout vu, tout appris, tout admiré. Il avait ouvert les bras en grand pour prendre tout le pays, et l’effort épuisé, il n’avait rapporté dans le creux de sa main que cette historiette de Dona Pia, la Florentine qui se fit aimer trois fois du même homme, celui qu’elle avait juré d’occuper exclusivement, sans qu’il soupçconnât jamais qu’il n’avait pas eu là trois maîtresses. Ç’aurait pu être un chef-d’œuvre. Celui de Beaudry-Rogeas fut d’avoir renoncé au roman projeté, dont il eût fait quelque chose de court et d’impuissant, si même il eût été jusqu’au bout du pénible élan initial. En condensant ses impressions en des pages si restreintes, il pouvait en renforcer l’expression. L’honneur du douloureux sacrifice était revenu d’ailleurs au secrétaire premier, Chapenel, le compagnon de voyage qui tenait près du « Maître » un rôle obscur et énorme ; le même qui, après avoir démoli le projet de roman, avait disposé du goût et comme de l’ornement dans l’architecture de Dona Pia. Le sujet magnifique était banalement développé — la plume de Beaudry-Rogeas n’avait rien qui lui appartint en propre — mais la femme, cette Pia, était positivement peinte et