Aller au contenu

Page:Yver - La Bergerie.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

serait, pour ainsi dire, le praticien de ce génie. Il nageait dans une demi-béatitude, c’était comme la première coquetterie de la gloire enlaçante avec lui.

Après cela, le maître lui offrit des cigares, vint s’asseoir à ses côtés, les jambes au feu, puis très abandonné dans son fauteuil, parlant avec un imperceptible grain de prétention, et jetant vers son auditeur des regards obliques et satisfaits, il se mit à dire, le cigare enfumant la chambre :

« Cette Naissance d’Europe ce sera mon œuvre, l’œuvre de ma vie, roman psychologico-national. Europe n’est pas mythologique, comme vous pourriez le penser, mais elle est personnelle, c’est pourquoi je ne la détermine pas. Vous dites l’Europe vous autres ; moi je dis Europe. C’est un être moral. Une nation est un être dont les années se comptent par ères. L’Europe n’est pas faite encore ; elle naquit, au huitième siècle, de l’empereur Charlemagne ; quand sera-t-elle accomplie, une, indivisible ? Les siècles des siècles le sauront. Je ne m’occupe que de sa naissance ; Karl fut moins son père que son créateur. Il faut une documentation colossale ; vous m’aiderez. Vous êtes frais émoulu du lycée ; vous me lirez Duchêne : Vita Karoli Magni ; c’est embêtant à traduire, vous verrez cela ! Chapenel est toqué de