Page:Yver - La Bergerie.djvu/86

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s’expliquait assez quand on savait quel ménage inharmonieux faisait avec lui cette pauvre petite coquette et écervelée Parisienne. Mais cette secrète douleur supposée auréolait encore l’homme de lettres. Lui-même le comprit, et il garda tout un moment un silence désolé.

« Il me reste une fille, dit-il à la fin, une fille qu’élève ma mère. »

Sans savoir au juste pourquoi, rien que d’entendre évoquer la fille de Beaudry-Rogeas, Frédéric rougit et regarda les flammes obstinément. Il ne pensa rien, mais une vision venait de naître en lui, estompée, fluide, vaporeuse, à peine une jeune fille, un bibelot blond, parfumé, raffiné, produit du luxe et du génie.

C’était d’abord une sorte de créature irréelle, symbolique, comme se plaisent à en imaginer les poètes, puis, dans ce jeune cerveau, l’image s’accusait davantage, semblait se concréter.

« Allons ! » au travail, dit brusquement Beaudry-Rogeas comme pour chasser les idées noires. |

Et ils se rendirent ensemble dans l’admirable musée Empire qui était l’officine du romancier. Jusqu’au déjeuner, ils feuilletèrent ensemble, avec de grands respects, un gros volume aux coins rongés, édition du dix-septième siècle. À la volée des pages, on voyait des dates en larges chiffres romains, hauts d’un pouce et mal en équilibre sur la ligne.