Page:Yver - La Bergerie.djvu/91

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rêvait pour sa conception d’une naissance d’Art officielle. Les oreilles privées, même amies, n’étaient pas faites pour le recueillir, et Beaudry-Rogeas lui-même n’en savait encore rien, sinon que le mot des grandes révolutions de demain dormait là, sous le front du génie…

Des idées de Raphaël Chapenel, ce fut ce que Frédéric apprit à ce premier déjeuner. Cet homme original en avait évidemment d’autres et non moins arrêtées, mais celles-ci suffisaient à armer la conversation d’un repas, Il n’avait pas attendu d’ailleurs plus longtemps pour les développer avec cet art étrange de parole qu’il possédait. Frédéric se sentait emporté vers des régions mentales nouvelles, comme par des eaux violentes contre lesquelles il luttait instinctivement et en vain. Rien ne fut pour lui plus impressionnant que ce déjeuner dans cette sombre salle à manger, où le domestique qui servait marchait sans bruit dans la laine du tapis ; où Ia suspension pesante de fer forgé moderne retenait, au-dessus de la table, dans ses volutes, de lourdes bêtes d’eau métalliques ; où les buffets lointains, perdus dans le noir du fond, s’offraient comme des conques marines ; où le maître de maison, l’auteur de Dona Pia, béat, satisfait, souriait des lèvres et des yeux entre ses favoris roux ; où Chapenel, de sa