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Page:Yver - La Bergerie.djvu/92

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voix mâle, sourde et monotone, parlait, parlait sans cesse, énonçait doucement, presque sans chaleur, ses théories bizarres qui s’insinuaient, vous enveloppaient traîtreusement, avec retenue, avec réserve, sans qu’un éclat de voix suscitât en vous la démangeaison de discuter.

Il laissait en Frédéric un jugement trouble. Le jeune homme, incertain, ignorait encore s’il devait laisser aller sa confiance vers cet équivoque pasteur de cerveaux. Il étudiait aussi Beaudry-Rogeas. Il cherchait à discerner sous sa vie mondaine, la vie sentimentale, et ne la trouvait pas. Cependant, une journée passée dans l’intimité de ce grand homme condescendant, une journée de collaboration loin de Chapenel, qui flânait en ville et l’eût glacé de son regard inquisiteur, pesant et tombant sur vous comme du plomb, mit un abandon entre le jeune secrétaire et son maître, et le soir, quand on alluma les lampes, il vint à Frédéric un besoin de confidence, et tout simplement, sans y être invité, il conta sa vie triste.

Le littérateur Beaudry-Rogeas l’écoutait avec intérêt. Cette histoire vécue passionnait en lui le romancier ; et il y avait aussi dans son être un fond de bonté facile qui s’émut. Frédéric comprit qu’il agitait en parlant des pitiés, des étonnements, des sympathies dans