Page:Yver - La Bergerie.djvu/93

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le cœur de son patron, et sans démêler la part que le professionnel des émotions décrites prenait avidement à ces confidences, il fut touché délicieusement et se sentit naître là une glorieuse, une flatteuse amitié.

Ce fut dans une sorte de fièvre qu’il retrouva le soir sa mansarde à papier bleu. Les idées de M. Chapenel, le génie de Beaudry-Rogeas, sa bienveillance, jusqu’à l’époque lointaine évoquée par les vieux chroniqueurs, le grisaient. Il entrevoyait une vie nouvelle, il pensait à des fêtes ruisselantes de lumière dans l’hôtel Beaudry-Rogeas, il s’y voyait jouer un rôle imprécis encore, entouré de toutes les illustrations des Lettres et des Arts ; il voyait — suprême gloire — son nom, « Frédéric Aubépine», écrit en lettres d’imprimerie dans des revues, dans des journaux. Il se vit monter en fiacre sur le boulevard, pendant que de jolies passantes se poussaient le coude et disaient : « Regardez donc, ma chérie, c’est Aubépine, vous savez bien, le critique d’art dont tout le monde parle. » Et ce mot de critique d’art, venu par hasard à son imagination surchauffée, s’y fixa tout d’un coup, fut arbitrairement le point précis de ce que les nuageuses Anglaises eussent appelé ses « châteaux aériens ». Les conversations de la journée l’induisaient à cette tendance et déjà, sans qu’il se l’avouât, déjà les sen-