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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/22

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l’orgueil et le désespoir. — Monsieur, répliqua le commerçant de Paris sagace, clairvoyant et sensible, il a, je puis le dire certainement, un grand talent auquel vous donnerez le nom qu’il vous plaira. Si monsieur votre fils a satisfait à ses obligations militaires. — Mon fils a eu un remplaçant l’an dernier, se hâta de répliquer là-dessus le père. — Rien ne s’opposerait donc, reprit le marchand, à ce qu’il se lançât librement dans la carrière où je crois pouvoir répondre de ses succès. — Mais ne pourrait-il, objecta le notaire, si vous le croyez capable de devenir un grand peintre, l’être aussi bien à Quimper qu’à Paris ? — Monsieur, il n’est pas bon que l’homme soit seul, dit l’Écriture. Vœ soli ! À Quimper, il n’aura pas un autre peintre à qui se confronter. À Paris, ils sont une pléiade glorieuse qui tente de révolutionner l’art de peindre. Il souffle le vent d’un grand renouveau pictural. Mais il faut être soi-même au sein de la tempête pour en ressentir la secousse. Nous avons à Paris M. Manet, M. Renoir, M. Sisley, M. Claude Monet, M. Pissarro. Moi, je ne suis qu’un marchand qui filaire le vent comme le chien du chasseur. Mais je ne me trompe jamais. Un grand renouveau se prépare dans la peinture. »

Ainsi s’entama le procès.

Ce fut le marchand de tableaux qui devait le gagner. Mais non pas sur-le-champ. Il s’appelait Bonassy et demeurait rue Bonaparte dans une petite boutique derrière laquelle il avait fait draper de tentures ponceau une salle d’exposition bien et dûment éclairée au pétrole, où il opposait une concurrence sérieuse aux tenta-