Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

drame se jouait à Quimper, dans l’imagination chauffée à blanc de l’enfant qu’était encore le jeune peintre. La fascination qu’il avait subie au cours de cette quarantaine d’extase où il avait recréé touche par touche les traits, les expressions, la personne ineffable d’Annie se prolongeait au fond de son être un peu comme le clair de lune prolonge le soleil. Il la portait en lui. Tantôt sous les traits de l’image peinte, tantôt sous sa forme vivante. Il n’est pas une autre race que la bretonne, si placide, pour engendrer de ces amours pathétiques et invincibles. Le garçon s’exaltait chaque jour davantage. Bientôt il cessa de peindre. Alors ses parents comprirent tout. On parla de cette aventure à M. l’Archiprêtre de la cathédrale qui jugea le mariage impossible. Jamais une Kerzambuc ne s’était mésalliée. Quand, après ce verdict, Me Arbrissel voyait son fils s’en aller solitaire sur les bords de l’Odet, passée la Préfecture, son cœur cessait de battre. « Je sens, disait-elle, qu’on me le rapportera un beau matin noyé, comme la fille de la crépière le jour de la fête de l’Empereur ! »

Puis quand celles de la Noël approchèrent, l’amoureux Hyacinthe reçut un carton où le châtelain de Kerzambuc lui parlait de certaines taches d’humidité qui s’étaient produites sur le fond du portrait d’Annie, et l’invitait à passer lesdites vacances au château sous ce prétexte assez fallacieux d’une retouche nécessaire à son œuvre. Il n’envisagea pas d’un coup la signification d’un tel billet. Mais il allait revoir Annie. C’en était assez pour le combler. Il n’avait plus que le temps de se faire exécuter chez le tailleur