Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de la rue Saint-André une longue redingote serrée à la taille, qu’il avait fine comme une jeune fille, et de s’acheter sur la place un haut de forme aux larges ailes, comme en portait naguère M. Alfred de Musset, son plus cher poète, mort depuis huit ans déjà. Une tempête folle faisait rage dans sa jeune tête. Sa joie fut à l’extrême potentiel quand on lui écrivit de ne pas emprunter la diligence, mais que M. de Kerzambuc l’irait querir dans son cabriolet à la gare de Quimperlé, lors de l’arrivée du train de Quimper.

Ce moment fut ineffable. La ravissante Annie était dans la voiture, les deux jeunes gens se regardèrent aux yeux. Ceux d’Annie se remplirent de larmes. Hyacinthe lui baisa la main et le père, qui n’était pas homme à discours, se mit à sourire et dit seulement : « Allons ! Allons ! »

Les repas dans la salle à manger gothique n’étaient qu’à peine réchauffés par les immenses bûches issues du parc qui flambaient au fond de la cheminée en pierre sculptée. Mais Hyacinthe, dans le grand trouble d’une situation indéfinie — car il n’osait concevoir qu’on le reçût là comme un gendre éventuel, ni tabler à coup certain que sur une indéniable cordialité — se trahissait sans le savoir à chacun de ses gestes vers Annie, à chacun des regards dont il l’enveloppait ; et sa verve inattendue créait une atmosphère tiède, confortable, heureuse. Les séances de pose, auxquelles la bonne châtelaine par une indulgente complaisance se défendait d’assister, avancèrent les affaires de ces deux-là. Il y a quelque chose de religieux dans la naissance d’un grand