Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/29

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II

Arbrissel le peintre n’avait pas encore vingt-trois ans. Arbrissel le notaire estima que ce rêveur, vivant de chimères aimables, n’était pas mûr pour le mariage et qu’il y faudrait la probation de bien des mois encore. Sur ces entrefaites, Bonassy, le marchand de tableaux de la rue Bonaparte, revint à Quimper. Le portrait d’Annie se trouvait chez l’encadreur, M. Le Guirec. L’homme d’affaires tomba en arrêt devant cette image encore imprégnée de classicisme mais si frémissante de toutes ces couleurs mises en branle par leur seul contact mutuel que l’œil en eût presque distingué la vibration. « Cette crinoline, disait-il, est un morceau de maître. Me jureriez-vous, Le Guirec, que ce garçon n’a jamais vu la peinture de M. Manet ? — Je le jurerais, répondit le vieux Breton au vieux Parisien. — Dans ce cas, dit Bonassy, je lui tire mon chapeau, et je le veux faire devant lui-même. Allez me le querir, je vous en prie ! » Car il doutait encore.

On était au printemps de 1866. Le marchand et l’artiste, qui s’affrontaient pour un marché