Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/30

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mémorable, jouèrent une très belle scène où le maquignonnage normal s’effondrait devant la noblesse de l’un, l’émotion de l’autre. « Je vous fais mon plus vif compliment, monsieur, disait le Parisien. Vous nous avez donné là une œuvre d’une singulière personnalité. Regrettable qu’il soit trop tard pour l’exposer au Salon. Mais je vous offre ma galerie. » Hyacinthe n’était encore qu’un enfant. Les larmes lui montèrent aux yeux. « Je n’avais vu de ce portrait que les maladresses, dit-il simplement, et suis tout ému de votre jugement, monsieur. Je transmettrai votre désir à mon futur beau-père, car Mlle de Kerzambuc est ma fiancée et nous devons nous épouser dans quelques mois. Si sa famille n’y montre aucun déplaisir, je vous confierai ma toile. — Je voudrais, insista encore le marchand, que vous y joigniez quelques paysages, même des vues de votre cathédrale où votre passion merveilleuse de la couleur se donnerait libre jeu.

Ce fut en août suivant que l’artiste inconnu Hyacinthe Arbrissel débarquait à la gare Mont parnasse avec son chargement mystérieux. Personne ne se douta, en voyant ce beau gars breton aux yeux couleur de châtaigne, le visage drapé d’une courte barbe soyeuse et sombre, mélange d’une hardiesse et d’une hésitation qui se fondaient en souriante timidité, qu’il arrivait pour enrichir Paris d’une nouvelle gloire. Seul à cette époque, le subtil Bonassy avait jaugé le jeune génie. Il l’accueillit avec la frénésie d’un chasseur qui a capturé une proie singulière lorsqu’il le vit descendre devant sa porte, rue Bona-