Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/33

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— Pardon, monsieur ; il y a autre chose, répliqua le bon metteur en scène. Je veux vous montrer la fameuse Camille de M. Claude Monet.

C’était l’Élégante de 1866, peinte en pied et vue de dos, parée d’une jaquette cintrée à la taille dont les plis se répandaient en une basque à volants sur la jupe traînante à rayures vertes et noires. Le jeune homme frémissait comme un animal à bout de soif devant l’abreuvoir. Il regardait, sans plus. Ses yeux se gorgeaient de l’acuité des couleurs. C’était comme une ébriété de la vision qui le gagnait devant ces froissements soyeux, ces chocs des couleurs et cette simplicité, aboutissement de tant de recherches. Et il murmurait : « Les rapports, les rapports… C’est là qu’est leur secret ! »

Il fallut que Bonassy, qui n’était pas mécontent de sa mise en scène, l’arrachât à cette extase en l’avertissant que ce n’était pas tout. L’histoire ne dit pas ce qu’avaient vendu les ancêtres de Bonassy, ni sur quel matériau ils avaient construit leur honnête aisance. Celui dont il trafiquait aujourd’hui dépassait assurément la denrée qui avait enrichi ses pères puisqu’il s’agissait du génie d’un jeune inconnu.

— Je vais, dit-il, vous montrer maintenant de M. Claude Monet une toile que, dussiez-vous ne jamais la revoir, vous n’oublierez plus, monsieur Arbrissel !

C’était du Saint-Germain-l’Auxerrois de Monet qu’il parlait. Bonassy n’improvisait pas en prétendant que c’était le plus beau tableau de l’époque. On l’avait dit avant lui. L’ensemble s’offrait tout d’abord en ton gris mais d’une