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Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/54

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ses parents en leur église paroissiale de Neuilly, bâtie sur l’avenue même, où sa morne façade haussée sur un large perron et son fronton grec s’alignent avec les bonnes maisons bourgeoises dans toute la rigidité du premier Empire. C’est là dans ce sanctuaire obscur et froid où les petits vitraux en plein cintre ne versent qu’une demi-clarté, qu’à six ans, à sept ans, — sans que ses parents vissent rien d’autre en lui qu’un enfant sage — Pierre Arbrissel connut les premiers embrassements de son Dieu. Il y reçut, entre un père et une mère sensibles simplement aux enseignements évangéliques, et stricts observateurs de leur religion, une initiation mystique directe et farouchement secrète. Fondant d’amour, par exemple, devant un ostensoir, de douleur devant un crucifix au point de ne pouvoir retenir ses larmes ou tout au moins de gros soupirs. Hyacinthe Arbrissel, si puissant amant de la vie terrestre, s’arrêtait interdit devant ce brasier spirituel dont la nature lui échappait.

En même temps, dans le secret de cette âme d’enfant on voyait rougeoyer un autre brasier qui tenait plus, celui-là, de la nature que de la grâce. Une hérédité rare mais bien impérieuse chez lui — et indéniable — avait donné à ce petit garçon le goût de peindre. C’était ce goût qui à trois ans, à quatre ans, lui faisait barbouiller de pastels, de crayons de couleur, le moindre papier blanc. « L’enfant est un petit singe », disait en riant le grand Arbrissel. Et il ne démordait pas de ce principe que les lois de l’imitation voulaient qu’à cet âge, sans don spécial, le petit Pierre bût aussi à cette coupe de l’enivrante couleur.