Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/56

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vision était éclatante de lumière et d’ardeur !

— Cher Arbrissel, reprit l’artiste malade, tu n’es qu’un peintre sensuel, destiné à faire naître la joie dans les yeux. Ton gosse sera un peintre mystique, et ne maniera, pour s’exprimer, que le symbole !

Au collège, Pierre passait pour un des meilleurs élèves des petites classes. Un peu timide, levant sur les grandes personnes le regard presque angoissé de ses yeux d’un bleu de glaçon sous l’ardeur sombre de sa chevelure ébouriffée, il ne s’échauffait que dans les batailles où son regard, eût-on dit, prenait feu. Mais il n’entrait pas dans son goût de se battre ; il fallait le pousser à bout — étant bien en cela de Quimper-Corentin. Les billes lui agréaient mieux que les coups de poing. Cependant, si les lois du point d’honneur qui régissent les petits garçons l’exigeaient, que ce fût le croc-en-jambe d’un camarade au passage ou le choc qui fait voler en l’air les livres du cartable lorsqu’on se rend au cours de septième par les corridors du collège, il n’hésitait pas, ses livres jetés par terre, à sauter sur plus fort que lui, tête en avant, son petit poing grêle détendu par un incroyable ressort sur quoi l’on riait ensemble comme deux bons chevaliers d’autrefois, toute offense lavée. Une seule faiblesse l’humiliait. Celle de ne pouvoir retenir des larmes intarissables quand le professeur de mathématiques déclarait en chaire, par exemple, que l’élève Arbrissel avait diamétralement erré dans