Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/57

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son problème ; ou bien lorsqu’une main impitoyable avait mis sous séquestre son cahier de français inachevé dont il avait employé les dernières pages à copier en classe la Cène de Léonard de Vinci, ou la Vierge de Fra Angelico. Les larmes de Pierre Arbrissel étaient légendaires chez les Dominicains de Neuilly. C’est une bien humiliante célébrité pour un garçon. Vainement il se mordait les lèvres ; inutilement ses paupières se crispaient sur ses yeux pour les assécher. La source s’obstinait à ne point tarir, et sa sensibilité, lom de s’endurcir au contact brutal des indifférences, parfois des méchancetés enfantines, s’y écorchait chaque jour davantage. Ses camarades l’avaient surnommé « la Fontaine ». Et il savait que dans tout le collège il se trouvait le seul à connaître ces pleurs incoercibles qui le diminuaient même dans sa propre estime.

En tout cela rien ne trahissait cette secrète ardeur surnaturelle dont avait parlé Manet ; et Hyacinthe Arbrissel se disait : « Ma foi religieuse est une valeur. Mon art en est une autre, Dieu a fait le monde extérieur pour la joie de nos yeux. La matière est belle en elle-même. Toute ma puissance d’imagier s’appuie sur elle. Un peintre est difficilement robuste dans le mysticisme — si ce ne fut au xive siècle et au xve. J’aime Dieu. Je me mets à genoux devant les Évangiles. Jésus m’éblouit chaque jour un peu plus dans sa doctrine. Je ne fais pas un trop mauvais chrétien. Du moins, il en est de pires. Mais, nom d’un chien ! la nature existe ! J’adore sa force. Je veux faire robuste pour faire vrai. C’est de quoi est sortie ma « manière ». Je m’y