Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/58

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tiens. Les critiques aiment beaucoup accoler à mon nom l’épithète de puissant. Ce n’est point pour des prunes, je pense. Eh bien ! je désire que mon fils ne soit pas un sous-Angelico, un apprenti Raphaël, un copiste de Ghirlandajo. Il sera lui-même, c’est-à-dire le fils d’Arbrissel, mon vrai rejeton — pas un dégénéré. La force ! la force ! voilà ce que je veux pour lui. S’il n’acquiert pas la puissance comme artiste, qu’il reprenne l’étude familiale à Quimper-Corentin !

Parfois Hyacinthe Arbrissel — comme souvent les pères — se mettait en quête de l’opinion que pouvait bien avoir de lui son petit garçon. C’est une curiosité fréquente chez les parents. Mais l’artiste en est bien autrement mordu que les autres pères, lui qui n’a comme principale nourriture morale que l’assentiment intellectuel, l’admiration de ses contemporains et comme ragoût que leur louange. Le petit Arbrissel, élevé dans l’atmosphère de cette louange publique prodiguée à son père, avait-il jamais jaugé personnellement le génie de celui-ci ?

Un jour de congé, Hyacinthe l’arracha à un thème latin auquel l’enfant s’appliquait dans sa chambre. Ce fut sous le prétexte de ranger avec lui l’atelier. Toutes les études qui avaient précédé ses grandes compositions lui passèrent par les mains : les vues de la Seine ; celles du petit parc ; celles des biches si fugitives qu’il avait fallu un œil tel que le sien pour fixer leur mouvement ; des morceaux de nu pour lesquels avait posé son magnifique modèle — enfin tous les témoignages de sa conscience impitoyable, mais aussi, au surplus de la documentation la plus