Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/69

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Un jour, Hyacinthe Arbrissel exigea qu’on lui montrât ces essais dont il était curieux et, il serait plus juste de le dire, méfiant. Là devant il buta — il n’est pas d’autre mot — sur des formes floues et comme empruntées au spiritisme. Il fit un éclat. L’avait-on jamais vu, lui, Arbrissel, peindre ainsi dans une sorte de vacillation générale des lignes ? La géométrie est primordiale. Pas touche ! Une œuvre d’at doit être une œuvre de paix, une œuvre de vie. A-t-on jamais fait mieux que l’Olympia de Manet ?

Debout dans le coin du grand atelier où semblaient circuler les géants nus des études paternelles, Pierre Arbrissel connaissait l’effondrement du désespoir. Tout croulait puisque son père génial se refusait à comprendre sa sincérité, le résultat honnête de sa vision. Une voix se levait bien en lui, impérieuse, qui lui disait : « Ton père se trompe. Il n’a pas compris. Il ne t’a pas fait confiance parce que tu es différent de lui. » Mais il répondait : « Non, mon père ne se trompe pas, il ne peut pas se tromper. C’est un colosse de l’art. Il a créé l’exagération de la puissance. Dans quelques années, peut-être dans quelques mois, il aura mis debout sa grande composition mythologique. Moi, je suis le nain devant l’athlète. »

Ce fut le grand drame de ses quinze ans. Sous le prétexte de sa première partie de bachot qu’il préparait, il demeura huit ou dix mois sans reprendre une brosse. Et si l’épreuve ne fut pas pour lui abominable, c’est qu’il s’absorbait alors de plus en plus dans la possession de son Dieu.

Mme Arbrissel disait à son mari : « Cet enfant