Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/71

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écoutez-moi donc ! » ou « Sur la Place de la Bastille, je me promenais l’autre soir… » Cette simplicité attendrissait Pierre. Il aurait voulu prendre son père et le serrer dans ses bras comme si les rôles eussent été inverses : le père, l’enfant. Mais il était devenu timide. Cette affection qui naissait en lui et croissait à mesure qu’il découvrait, en pleine adolescence, le charme ingénu de ce père si puissant, demeura farouchement ensevelie au fond de lui-même. Un soleil se levait pourtant sur sa vie.

Mais, en dépit d’un travail qui n’avait connu aucun désistement, aucune relâche, Pierre — en partie du fait de sa timidité — échoua à l’oral.

On le vit rentrer le soir à la villa de la rue Saint-James, les épaules courbées, la nuque ployée comme un condamné qui va au supplice. Sa mère devina tout du carreau de sa fenêtre où elle guettait son retour. Il montait maintenant l’escalier ouaté de tapis, d’un pas appuyé de vieil homme. Le cœur serré, Annie fit un pas vers la porte pour l’accueillir, pressée de l’accabler de caresses. Mais elle entendit qu’il poursuivait sa montée jusqu’à l’atelier de son père, là-haut. Et elle eut un sourire mille fois plus triste que des larmes.

Hyacinthe Arbrissel, lui, and Pierre ouvrit la porte du sanctuaire, demeura figé, là palette au poing. Le vitrage de l’atelier, dévoilé, laissait passer les rayons d’un beau coucher de soleil dont le dernier acte se jouait là-bas sur Saint-Cloud et, ici, nimbait l’artiste. Celui-ci paraissait plus grand que nature. L’enfant s’était juré d’être stoïque. Mais cette réalité du père, cette image