Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/73

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deux êtres si interdépendants, c’est que la matière du procès n’exista bientôt plus à leurs yeux. Peu importait que Pierre Arbrissel fût ou non bachelier. Il s’agissait de savoir si le plus puissant des peintres de l’époque pouvait trouver dans un amour filial pour ainsi dire héroïque l’appui secret, l’appui charmant et doux, mais surtout l’appui assuré après lequel béait sa grande âme.

Et voici que, reprenant feu et flamme, l’enfant maintenant murmurait :

— Tu peux me consoler de tout. Ça ne me fait rien d’être inexistant pourvu que toi, tu sois | Tu es mon soleil ! Je vis de ta lumière. Je te respire. Père, père si cher, ne me lâche pas, car tout alentour c’est l’abîme !

— Te lâcher ? Te lâcher ?

Et Hyacinthe Arbrissel éclatait d’un rire qui allumait de tout l’éclat de ses dents magnifiques son visage assyrien. Pas une atteinte de l’âge dans sa barbe noire. Seul son front empiétait un peu sur la chevelure moins épaisse aux tempes. Et devant son fils qu’il enveloppait d’un long regard ému, il murmura :

— Te lâcher, mon petit, quand j’ai si grand besoin de toi ? Tu ne sais, tu ne peux pas comprendre ce qu’un garçon comme toi est pour son père. J’ai une femme adorable. Ta mère est la seule épouse que je connaisse qui n’ait jamais en rien et le plus subtilement possible même déçu son mari — et j’en ai reçu là-dessus des confidences d’hommes, je te le jure ! Mais j’ai encore plus besoin de toi que de ta mère, car tu es un homme nouveau qui gravit le chemin terrestre,