Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/78

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Arbrissel sonna pour qu’on priât M. Pierre de monter à son atelier. Celui-ci, au lieu de s’attabler pour la dissertation qu’il préparait et devait remettre au professeur le lendemain, eut un petit soupir indulgent et se rendit à l’appel de ce père si délicieusement tyrannique.

— Je t’ai fait venir, dit celui-ci, s’excusant comme auprès d’un camarade, pour que tu voies cette croûte, car à force d’y travailler, je n’y discerne plus rien de sincère ni de bon. La vérité, c’est qu’il y a dans cette créature un caractère écrasant sous une chair d’une fraîcheur immatérielle. Immatérielle, oui ; c’est le mot ; cette femme est immatérielle. C’est une intelligence avant tout : un cerveau ; mais son visage lui sert autant que la parole pour se communiquer. Alors tu comprends l’effort qu’exige cette peinture d’une spiritualité exprimée par la matière. J’écrase sur ma palette des couleurs qui doivent rendre la substance de la pensée ou de l’intelligence, ou de la passion, ou de la haine, ou de l’amour… Est-ce que tu me comprends, mon petit ?

Et le grand artiste se mit à sangloter.

— Mais qu’as-tu ? qu’as-tu ? demandait l’enfant qui, à la vérité, ne comprenait rien. Il marche très bien, ton portrait. Que veux-tu davantage ? C’est un des meilleurs que tu aies peints. Ce visage ruisselle d’intelligence. La dame est ravissante.

Arbrissel eut un sursaut.

— Ah ! tu ne sais pas !… Elle est cent fois plus belle qu’elle ne te paraît là. On parle sans cesse du caractère personnel des physionomies : Eh