Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/79

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bien ! jamais, entends-tu, jamais je n’ai été atterré, foudroyé comme par la singularité d’âme de cette délicate jeune femme. Il me semble que seuls les grands chefs militaires, un Mac-Mahon, un Galliffet, ou les hommes d’État, un Clemenceau un Jules Ferry, un Gambetta, imposent cette idée de personnalité puissante. Et avec cela si délicate, si menue, si fine… Regarde les attaches de ce petit nez. Je crois que le nez est assez spirituel. Qu’en penses-tu ? Moi, je n’en suis pas mécontent. Mais dans ces yeux-là il y a quelque. chose de métallique, de coupant, de blessant, et puis tout à coup ils s’adoucissent en un sourire, et c’est cela, c’est ce passage subit de l’autorité intransigeante au charme le plus féeriquement féminin que je ne puis pas exprimer…

— Cher papa, répondait l’enfant troublé, je t’assure que la figure que je vois là exprime parfaitement ce que tu me dis.

Jamais ce garçon n’avait connu son père dans un désarroi si manifeste, ne lâchant ici son secret que par lambeaux, mais le livrant néanmoins, comme un fardeau trop accablant, avec une sorte de cynisme confus et désespéré.

À partir de ce jour, Pierre allait demeurer obsédé de cette confidence bien troublante pour un fils qui chérit sa mère et la sent trahie d’une façon irrécusable — autant qu’encore subtile sans doute. Le père, dans cet abandon, s’était délivré. Mais sur des épaules bien fragiles le fardeau pesait désormais. Un devoir que Pierre eut à faire, pour la composition du second trimestre, sur ce sujet : « Des empêchements de la volonté aux lois de conscience », se ressentit fortement de