Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/91

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conversations. Hyacinthe était fort préoccupé à ce moment de son ami Sisley (Mon admirable Sisley, disait-il avec piété), qui malgré son génie vivait dans la gêne. « Songez, disait ici le grand Arbrissel comblé de succès, qu’il cherchait il y a peu de temps à vendre une trentaine de ses œuvres pour trois mille francs ! » Et la princesse, fugitivement émue, promit de l’aller voir à son atelier, car c’était, disait-elle, un Anglais délicieux. Mais elle ne tarda point à ajouter qu’elle n’en aurait certes pas le temps avant les vacances, à cause des couturières.

Le héros de ce festin où l’animation mondaine masquait étroitement les drames divers enfouis au fond des âmes, Pierre Arbrissel, parlait peu, coincé entre deux jeunes filles élèves de son père, beaucoup plus occupées du grand peintre que du jeune bachelier. Ses yeux grands et tristes revenaient sans cesse vers le couple que formaient au milieu de la table Arbrissel et la princesse, face à sa mère, sa mère si jeune encore et bien plus belle à ses yeux que la maîtresse étourdie du grand homme. Il avait le cœur serré, se demandant si cette mère bien effacée ne soupçonnait pas leur liaison. Il lui semblait que le secret qui enveloppait la trahison de son père aurait pu demeurer mieux gardé. Il surprenait de troublants regards échangés à la dérobée. Il avait alors le cœur tordu. Son grand homme s’effondrait à ses yeux, un instant, et tout son être se révoltait contre cette coquette qui lui ruinait son idole. « Le jour où les yeux de ma mère s’ouvriront, pensait-il, ma pauvre petite mère sombrera dans le chagrin. » Et il réfléchissait