Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/92

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qu’il devrait peut-être se consacrer à elle plutôt qu’à Dieu… Mais non, il ne pouvait se soustraire à l’appel du Christ. Le Dominicain qu’il serait un jour vivait en lui déjà. Il faudrait le tuer pour que ce moine vêtu de noir et de blanc qu’il avait rêvé d’être périsse à son tour ! « Ma vie religieuse, pensait-il, s’exaltant avec la chaleur croissante des conversations, vers la fin du repas, sera la rançon du grand péché que commet en ces jours Hyacinthe Arbrissel ! »

Ce dîner marqua une étape dans la vie intérieure de ce fils de grand homme « Il n’y a que Dieu ! » s’écriait-il souvent au fond de lui-même. Et son cœur bondissait d’allégresse à en perdre le souffle. Cette seule idée que le Christ existait le plongeait dans un véritable ravissement. « À quoi penses-tu ? » lui demandait parfois son père curieux : il répondait : « À tout ! — C’est bien de ton âge ! » reprenait Hyacinthe, qui n’avait pas compris.

Les vacances à Kerzambuc furent tristes. Le père d’Annie était devenu impotent et ne sortait plus guère. Il lisait et relisait des travaux sur l’architecture bretonne dont il nourrissait son gendre au long de leurs après-midi. Annie se tenait avec sa mère dans la chambre de celle-ci au premier étage, car, en dépit d’un beau mois d’août, le rez-de-chaussée et ses grandes salles semblaient avoir été frigorifiés et l’on n’y allumait jamais de feu avant la Saint-Michel. Pierre s’en allait dans les chemins creux bordés d’ajonc. Il ne lui échappait pas que son père se mourait d’ennui dans ce château ravissant. La douleur