Page:Yver - Le Fils d Ugolin.djvu/94

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« Il doit être doux d’aimer une femme ! » pensait-il en reprenant le chemin du retour. Et il revoyait sans cesse la frêle main sale remplie de mûres que ses lèvres avaient frôlées, presque baisées. Et invinciblement sa pensée retournait vers son père et vers la dramatique passion qui l’asservissait à une créature éblouissante, certes, de tous les éclats physiques, mais qui n’était même pas bonne, car lui, le fils ravagé de honte, avait lu un souverain dédain dans les regards que la princesse daignait laisser tomber sur Annie Arbrissel, comme si le délaissement où elle l’avait réduite lui eût été délectable.

« Christ ! s’écriait-il alors mentalement, vous qui avez dit : « Je suis le Principe, moi qui vous parle », quand est-ce, quand est-ce que vous me tirerez de ce monde-ci tout gâté par la luxure, l’envie et la méchanceté ; où tout est piège pour notre appétit de bonheur, pour ce besoin de jouir si puissant qui nous jette sur le moindre fantôme ! Ô Christ ! seul amour véritable qui donne même s’il ne reçoit pas, je sens que tout, hors vous, est fallacieux, double, suspect, impur. En vous au contraire l’absolue Vérité, la Simplicité, la Sûreté, la diamantaire Netteté. Je ne la ressens pas encore totalement, cette Vérité pacifiante, mais je la devine et j’en ai soif, ah ! si soif !… »