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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/107

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« Cher ami, écrivait-elle le lendemain à Ismaël, je connais ici toutes les angoisses de l’exil. Que suis-je venue faire dans ce palais ? Évangéliser Wolfran ? Quelle ironie ! À peine s’il paraît exister dans cette architecture féerique où tout un monde s’agite autour de lui, vit de sa majesté sans même voir son visage. Mon élève, néanmoins, est une jeune fille agréable, dépourvue de toute morgue, et dont la maladie car elle est plus atteinte encore qu’il ne l’est dit officiellement — a sans doute vaincu l’orgueil. Je déteste le peuple des dames d’honneur parmi qui je vis, non pas à cause du dédain dont elles m’ont foudroyée dès le premier repas, mais pour leur risible importance et leur nullité. Je crois que je les effraye. L’une d’elles a essayé de m’apprivoiser, c’est madame Czerbich, la lectrice de la reine. Je n’ai point compris grand’chose à ses allusions sur l’égalité. Je pencherais à croire qu’elle professe des idées avancées. Ce serait fort amusant. Elle est Autrichienne et paraît très évaporée. Il y a à table un grand luxe de toilettes. On achèterait des vaisseaux de charbon avec le prix des bijoux qu’elles portent sur leurs épaules, et nos pauvres tisseurs auraient de quoi réchauffer leurs petits. Où en est la grève, mon ami ? tu sais que je m’exonère un peu du remords en pensant que, si je jouis ici des prodigalités princières, j’y suis en somme une simple institutrice à gages, et que ces gages seront un petit appoint à la caisse de