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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/116

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— Je croyais que vous aviez un deuil de cœur, fit la Française romanesque et sentimentale.

— Je porte un deuil de cœur, en effet, dit Clara, celui de l’affreuse misère lithuanienne.

— Ah ! reprit la bonne Bénouville, les yeux mouillées, votre idée est bien émouvante, chère mademoiselle Hersberg, mais si le luxe était détruit, la misère ne s’accroîtrait-elle pas encore ?

Clara la jugea simple d’esprit et négligea de répondre. Elle était d’ailleurs un peu nerveuse à la pensée de se trouver en face de Wolfran et la préoccupation de tenir dignement son singulier rôle de commensale-ennemie, l’inquiétait. Ce qui était facile près de la charmante Altesse cessait de l’être près du souverain haï. Elle demeura silencieuse pendant le long trajet, évitant même de demander à sa vieille compagne si le roi serait là. Elle s’attendait à un éblouissement de dorures, de lumières, de chamarrures, de diamants, pensant que la réception aurait lieu dans le boudoir jaune. Elle fut bien étonnée quand madame de Bénouville l’introduisit dans une petite bibliothèque bourgeoise que meublait simplement une grande table ronde à tapis vert portant une mappemonde. Trois lampes à pétrole, deux sur la cheminée, où flambaient des bûches, et une sur la table, illuminaient agréablement les boiseries blanches. Il y avait là une dizaine de personnes, assises ou debout,