Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/122

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Cette phrase dite très haut, celui qui l’avait prononcée manœuvra pour se rapprocher de Clara. C’était un grand jeune homme fluet et ondulant, dont les yeux gris s’étaient attachés à la chimiste dès qu’elle avait parlé de Wanda. Dans cette pièce étroite et modeste, ces yeux-là semblaient voir des choses invisibles et immenses, plonger en des lointains merveilleux, suivre des apparitions de beauté. Au hasard, Clara le prit pour un de ces artistes qu’on disait familiers de ces réunions intimes. Il s’adressait à elle maintenant :

— C’est une joie pour moi de pouvoir féliciter la créatrice du thermium.

— Oh ! Monsieur, se récria Clara avec sa belle simplicité, je n’ai rien créé. Les inventions sont la résultante d’un long enchaînement d’expériences successives. Nous faisons tous notre métier, chacun noue et rive son chaînon au chaînon précédent, — je me suis trouvée au dernier, à l’aboutissement.

— C’est-à-dire que vous avez apporté le chaînon du génie.

Alentour, la conversation générale était tombée depuis l’arrivée de mademoiselle Hersberg, n’étant pas vraisemblablement de celles qu’on eût pu poursuivre en sa présence. Un personnage assez singulier, petit, membré délicatement, serré dans une redingote, les cheveux grisonnants, les yeux bleus acérés, causait en anglais avec un