Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/129

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peine parlait-il, ses yeux bleu d’acier devenaient impérieux, dominateurs, irrésistibles ; son geste était court, précis, coupant. On sentait un de ces hommes qu’il faut dix ans pour bien connaître et dont on ne sait jamais le dernier mot. Le bruit courait qu’il était le bras droit de Wolfran. Se sentant regardé par Clara, il l’observa à son tour. Tous deux, une seconde, se considérèrent. Il semblait que, dans ce milieu d’intelligences mondaines, ces deux cerveaux supérieurs, la savante et l’homme d’État, se fussent flairés et reconnus d’instinct comme deux nobles animaux qui se rencontrent parmi d’autres, et, dès lors, ne peuvent plus se négliger.

Maintenant, la reine, penchée sur son métier, piquait l’aiguille dans le canevas. Ses opulents cheveux noirs, tordus en casque, toujours à la mode d’il y a vingt ans, lui donnaient une silhouette encore jeune, malgré son embonpoint. Elle paraissait fort absorbée par sa tapisserie, mais ne l’était pas assez néanmoins pour que ses prunelles, furtivement, n’observassent tout son monde avec le souci et le soin d’une bonne maîtresse de maison. Elle demanda le jeu de tric-trac pour madame de Bénouville, qui l’adorait, et elle pria la comtesse Hermann Ringer de servir d’adversaire à la vieille dame. On apporta l’échiquier pour le grand maréchal et le comte Thaven. Les deux vieillards, qui se détestaient, écoulaient un peu de leur bile dans leur bénigne animosité de