Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/133

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petit signe familier. Il accourut. La table à thé était toute servie devant Gemma. Elle lui dit :

Vous laissez votre voisine mourir de soif, offrez donc cette tasse de thé à mademoiselle Hersberg.

On entendait par tout le salon le choc des porcelaines. C’étaient de fines coupes lithuaniennes transparentes et chiffrées d’un G d’or. Les petites cuillers étaient marquées du cygne royal. Madame de Bénouville avait perdu la partie et s’en montrait fort contrite. Le grand maréchal et le comte Thaven jouaient toujours parfois leurs gros doigts, laissant le cavalier ou la tour, saisissaient la soucoupe sur le guéridon proche ; silencieux, ils évitaient de se regarder et la tasse tremblait visiblement quand ils la portaient à leurs lèvres.

Le duc Bertie, rigide dans sa redingote, buvait à petits coups, méthodiquement. Il s’approcha de Clara comme le jeune inconnu tendait à celle-ci le sucre et la crème.

— Eh bien, mademoiselle Hersberg, que dites-vous de cette intimité, de cette simplicité qu’on trouve ici

Qu’il connût son nom surprit la savante. Il le devait connaître, à la vérité, puisque, vraisemblablement, avant qu’elle arrivât, la reine avait averti ses invités qu’on aurait ce soir la roturière, l’ennemie. Mais le duc d’Oldany planait si haut, si loin, il semblait si altier, si indifférent, que