Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/135

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angoissantes. Quand le duc d’Oldany se fut écarté, elle dit à son compagnon qui la débarrassait de la tasse :

— On le dit tout-puissant en politique. Est-ce vrai ?

Le jeune homme s’était rembruni :

— Il collabore étroitement avec Sa Majesté, dont il se fait appeler le secrétaire particulier. Au fond, ce sont deux amis intimes ; dans les actes royaux, il est impossible de démêler la part du prince. Je pencherais à croire que le roi saurait se passer de ces lisières et gouverner seul ; il a pour cela toute l’autorité et la force morale et la divination nécessaires. Mais il ne se cache pas pour déclarer que ce conseiller lui est indispensable. C’est d’une grande modestie.

Gemma, qui travaillait sans relâche, comme une bourgeoise affairée, avait repris la conversation sur le sujet musique. La musique, comme tous les arts, captivait cette chaleureuse Italienne. Le jeune lord et la comtesse Thaven mêlaient aux siens leurs propos. Le duc Bertie, de son air froidement persifleur, les écoutait parler d’opéras, de compositeurs et de concerts. Soudain, on se tut. Les causeries particulières s’arrêtèrent. Le grand maréchal demeura en suspens, l’index sur le fou de l’échiquier. La reine s’était redressée, sa main potelée tenait encore en l’air l’aiguille enfilée d’un long brin de laine rouge, et elle fredonnait à mi-voix, sur un timbre charmant, la