Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/141

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C’était l’archiduchesse dressée sur ses béquilles et qui venait seule la surprendre. Elle portait une robe grise, un petit col de lingerie et deux tresses flottantes, à la mode des campagnes lithuaniennes. Clara jeta un cri d’étonnement :

— Comment, c’est vous, Altesse, toute seule ?

Et elle se précipita d’instinct pour soutenir ce corps si débile, d’un geste féminin et affectueux. L’Altesse en parut avoir une obligation singulière. Elle remerciait avec ferveur pour un si menu service et tomba très lasse sur un escabeau de bois. La chimiste courut chercher un fauteuil et y installa soigneusement la jeune fille. Celle-ci lui serra la main en disant :

— Vous êtes bonne pour moi.

— Mais, Altesse…

— Vous serez mon amie.

— Votre Altesse me gâte ; mais elle oublie qu’elle sera reine un jour, tandis que moi…

— Vous êtes reine aussi, mademoiselle Hersberg, et dans un domaine supérieur que je ne connaîtrai jamais.

— Sa Majesté a dit avec raison : « Il y a un » abîme entre cette femme et nous. » C’est Votre Altesse qui me l’a rapporté.

— Oui, mon père a dit cela. Mais je le cherche l’abîme, je ne le trouve pas, ma chère, ma grande Hersberg !

— Ah ! fit Clara, que cette amitié tentait délicieusement, que n’êtes-vous une jeune fille ordinaire !