Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/155

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l’approche d’un cataclysme silencieux, d’une congélation universelle. Et sur le quai d’Oldsburg, depuis une semaine, les enfants du faubourg, le sang bleui, grelottants, venaient voir couler à fleur d’eau des glaçons polis et transparents. Un matin, — le bruit s’en répandit par toute la ville, — l’eau ne coula plus. Figé d’un bord à l’autre, rugueux et gercé avec des teintes d’albâtre et le désordre d’un chaos, le fleuve n’était plus qu’un cadavre entre ses rives ondulantes.

Alors on se mit à parler des fêtes de la cour, les fêtes dites « de la glace » qui se donnaient chaque hiver au Château-Conrad, hors la ville.

Enfin, la neige eut son tour après que l’eau, partout, se fut durcie comme un métal. La neige tomba trois jours durant sur Oldsburg, sur la campagne environnante, s’accrochant aux clochers, aux gargouilles, aux lucarnes, aux rosaces, aux branches d’arbres, laissant à tout son liséré délicat et lumineux. Un ciel entier d’ouate grise se résolut ainsi dans le blanc rayonnant des paysages. Puis le soleil se montra. Alors ce fut l’étincelante apothéose du froid : une ville blanche de féerie se dressa sous le firmament d’un bleu foncé. Saint-Gelburge posait sur des arcs-boutants. cotonneux le soubassement de son clocher aux reliefs de givre. Au long de la rue aux Juifs, le palais étalait sa monumentale ciselure finement ourlée de bordures splendides, et les gargouilles s’élançaient comme des hermines chatoyantes