Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/157

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humain au ras des trottoirs, et les calèches filaient à fond de train, dérobant les figures princières. Le feu des aiguillettes, l’or d’un bijou, l’étincelle d’un regard anonyme, brillaient parfois au passage. C’était tout.

Cependant mademoiselle Hersberg avait été conviée à la fête. Elle occupait la troisième voiture avec son élève, madame de Bénouville et cette merveilleuse duchesse de Saventino, sœur du prince Géo, et altesse royale, qui s’était mésalliée par amour à un petit duc italien. Il n’était pas de plus célèbre beauté en Europe. Elle était sotte autant que magnifique. Mais Wanda l’aimait d’avoir Géo pour frère et de s’être montrée une grande amoureuse. Toutes deux peletonnées au fond de la calèche se souriaient, se disaient des enfantillages, goûtant la gaieté de ce beau jour. Parfois Wanda s’arrêtait et devenait grave en regardant mademoiselle Hersberg si sombre, si austère dans sa jaquette noire, sous les bandeaux noirs de ses cheveux, et dont les yeux semblaient toujours lire au-delà des contingences. De terribles préoccupations assiégaient, en effet, l’âme de Clara. Le travail avait cessé dans la plupart des filatures ; le peuple du faubourg commençait d’endurer toutes les horreurs du chômage et le cœur de l’unioniste se serrait de tristesse. Sa sensibilité féminine souffrait maintenant des mesures héroïques où son esprit viril avait eu part. On allait traverser le