Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/178

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— Non, Sire, mais je parle à un grand de la terre dont le peuple est bien loin.

Il secoua la tête :

— Le peuple, dit-il, si vous saviez !

Ses yeux brillaient. Il ajouta :

— Je ne suis pas indifférent à ses souffrances.

Clara le sentait vibrer secrètement ; elle s’enhardit :

Alors, Sire, ne soyez pas sourd à l’immense clameur qui monte vers vous ; laissez toute politique, écoutez votre cœur.

Il sursauta, et les deux poings sur son bureau

— Que j’écoute mon cœur ? Que j’écarte la politique ? Ma politique est donc un jeu de cruauté ? un plaisir de tyran ? un amusement néronien ? Alors je suis le bourreau, l’instrument du malheur national ? Vous, la plus franche, la plus sincère de l’opposition démocratique, vous me le criez en pleine face ; toute la haine révolutionnaire vient de passer par votre bouche !

Elle pâlit, le vit se lever. Sa haute taille bouchait le jour de la fenêtre dont il était proche. Il roulait et froissait sa barbe dans sa main, puis, après quelques pas fiévreux :

— L’ami du peuple ! l’ami du peuple !… pas même son ami, entendez-vous, son serviteur, son forçat, voilà ce que je suis. Le pouvoir ! Qu’est-ce-que le pouvoir ? Est-ce mon ambition qui me l’a fait briguer ou bien l’ai-je trouvé dans mon