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Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/179

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berceau, comme une tâche écrasante qu’on ne peut repousser !

L’emportement enflait sa voix, il ne regardait plus Clara, mais loin au-delà, plus loin qu’Oldsburg, jusqu’aux confins extrêmes de la Lithuanie. Ses yeux devaient voir des villes, des fleuves, des montagnes, des prairies, des champs, des forêts et des mines, et jusqu’à la mer rose qui baigne la côte lithuanienne dans l’embrasement boréal des soirs d’hiver.

— Et ce n’est pas trente mille tisseurs amers et envieux qui me tiennent à la chair, c’est, à proprement parler, mon peuple, ma nation, ma race, c’est douze millions de Lithuaniens dont la vie sociale reflue vers moi comme le sang va au cœur. Je suis le fonctionnaire esclave de ce pouvoir, de ce devoir formidable ; je ne puis pas m’évader. Tous mes instants, toutes mes pensées, toutes mes activités appartiennent à mon peuple. Je n’ai pas le droit d’exister en dehors de lui. Le fonctionnaire ordinaire remplit sa fonction et ensuite il est libre ; il a sa vie publique et sa vie privée. Moi, je n’ai même pas de vie privée ; mes affections intimes, l’idée de mon peuple les domine, les régente. Je suis sa chose. Et quand, après des méditations, des recherches, un effort surhumain, j’ai donné une loi économique qui est une contribution à l’impulsion méthodiquement imprimée au pays depuis que je suis sur le trône, pour sa grandeur, pour sa prospérité, des