Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/182

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— Non, reprit Wolfran, il semblait à l’Union que l’âme du peuple sentirait là le bon vouloir de l’autorité et c’était ébranler son enseignement. de haine. On m’oppose l’héroïque résistance des ouvriers, mais, c’est moi qui ai donné au prolétariat le droit de grève. J’ai protégé la grève ; qu’on me nomme arbitre, on verra vers qui vont mes sympathies. L’Union s’en garderait encore ! Ce que veut l’Union, je le sais, moi, c’est cultiver la misère, l’amertume, l’envie, dans l’âme du peuple, comme on cultive des ferments dans une cuve, en vue de l’effervescence finale. Vous êtes une poignée de meneurs qui combinez la dislocation sociale, et pour qui la masse prolétarienne n’est qu’une armée de soldats qu’on discipline. Mais de quel droit détruire un ordre qui satisfait le pays ?

Clara resta songeuse, une longue minute, puis, de cette voix suave et lente d’une femme inspirée qui laisse échapper un peu de son rêve intérieur, très bas, sur un timbre timide, tremblant, elle dit :

— Chacun de nous porte en soi l’image de la cité bienheureuse, de la cité d’amour que nous voulons bâtir pour les hommes. C’est une vision lumineuse, un ineffable tableau vers lequel notre regard s’oriente toujours. Quand la société actuelle nous a bien désespérés par la vue de ses abominations, nous retournons à notre spectacle intérieur et nous voyons la concorde, la paix, la beauté dans la justice. Et nous ne sommes pas