Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/188

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signés de maîtres florentins. Deux pianos longs et un clavecin s’alignaient à droite. Au fond, luisaient de leur morne éclat les tuyaux du grand orgue dont le buffet gothique fermait la salle. Et, assise aux claviers, toute blanche, sa carnation nacrée lumineuse même dans la pénombre, Wanda jouait amoureusement, pour son prince, d’anciens lieds lithuaniens. Il était debout près d’elle, très pâle, les bras croisés. Tous deux paraissaient avoir pleuré. Ils reconnurent Clara et s’écrièrent ensemble :

— Enfin, voici mademoiselle Hersberg !

— Il ne faut pas vous interrompre, Altesse, s’écria Clara, jetant au passage un regard au petit bloc de terre grise où quelques traits commençaient de naître, je veux vous entendre, moi aussi.

— Les gens de science détestent la musique, fit en riant la jeune fille.

— Que sais-je, moi ! je n’ai jamais entendu de musique, avoua la savante en montant les degrés de l’orgue, mais j’aimerai la vôtre, chère Altesse.

Le prince lui serra la main longuement, comme à un complice de son triste amour. Wanda considérait avec complaisance cet accord sympathique de deux êtres qu’elle chérissait, et pendant que ses yeux leur souriaient, ses mains harmonisaient d’instinct, sur l’orgue, la tendre et puérile chanson de terroir :