Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/189

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      L’ami de mon cœur est parti sur la mer.
      Étoile scintillante qui le regardes,
      Pourquoi sembles-tu pleurer ce soir ?

Elle n’avait tiré que trois jeux : le cor lointain, le hautbois et la voix humaine. Mais les forces de l’instrument, quoique retenues, donnaient à cet air simple et touchant une ampleur héroïque. Il se déroulait avec une émotion majestueuse. Il contenait toutes les larmes des fiancées et des veuves qu’il avait hantées en leurs attentes tragiques. Et celle qui symbolisait la nation y mettait à son tour sa propre peine. Clara éprouvait des sensations neuves et étranges ; le monde féerique de l’imagination lui était entr’ouvert tout d’un coup. Son cœur se hâtait ; ses mains frémissaient, ses paupières se mouillaient.

— Oh ! dit-elle avec cette ferveur naïve, cette sincérité enfantine des esprits scientifiques, je crois que j’aime la musique !

Le prince fut flatté de la voir à ce point vibrante.

— Celle de Wanda est si impressionnante, murmura-t-il.

L’archiduchesse soupira :

— Je joue comme je souffre.

Elle portait, pour poser le costume national : les cheveux tressés, la calotte brodée d’or, la guimpe de mousseline plissée, le corselet de velours noir. Ses longues mains osseuses se croisèrent sur ses genoux : elle les regardait en