Page:Yver - Le Metier du roi.djvu/203

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Il avait parlé avec enjouement ; pourtant une autorité calme, mystérieuse, une puissance émanait de lui. D’ailleurs il semblait n’avoir prononcé que pour Clara ces phrases d’indifférence.

— Est-ce que Votre Altesse souffre ? lui demanda-t-elle.

À ces mots, où toute la sensibilité féminine se faisait jour, il parut triompher. S’il avait fait inviter Clara au thé de ce soir, en effet, c’était dans un geste de coquetterie politique, parce qu’il avait mesuré la sentimentalité de cette libertaire, et qu’il voulait se présenter à elle dans cet appareil de victime. Pour un peu, il eût arraché le bandeau et montré le trou sanglant de la plaie afin de faire jaillir du cœur même qu’il devinait impressionnable et tendre, la réprobation contre l’Union coupable. Sans savoir pourquoi, il tenait à conquérir cette ennemie. Il avait expliqué un jour au duc Bertie :

— Il nous faut Hersberg ; son esprit collectiviste est d’un mauvais exemple pour la jeunesse intellectuelle des écoles.

— Mais nous l’aurons quand il vous plaira, avait répondu le confident énigmatique.

Aussi, ce soir-là monseigneur d’Oldany observait-il la chimiste jusqu’au fond de l’âme, eût-on pu dire. Même il se rapprocha d’elle, et sans que son œil d’acier cessât de la déchiffrer, plus incisif et plus déterminé que Wolfran, il entreprit de discuter avec elle. Après tout, l’acte de la veille,